mercredi 4 avril 2018

Newsletter n°2

Newsletter Les mots de Ueshiba
Photo Ueshiba kotoba
Newsletter n°2 - avril 2018
Ame-no-minaka-nushi-no-kami 天之御中主神
Les explications que donne Ueshiba Morihei, dans Takemusu Aiki, sur sa pratique renvoient constamment à Ame-no-minaka-nushi-no-kami [Dieu Maître de l’Auguste Centre du Ciel, 天之御中主神] qui est, dans le Kojiki (712), la première divinité de la cosmogonie. Ueshiba pose pour principe de son art l’unification avec Ame-no-minaka-nushi – forme de possession qu’il nomme kishin (voir la newsletter n°1) : Il faut « devenir Ame-mo-minaka-nushi ». Cette divinité possède une place singulière dans la cosmogonie japonaise, puisqu’elle apparaît une unique fois au tout début de la création et n’intervient pas ensuite, de sorte que Ueshiba Morihei, à la suite de Deguchi Onisaburô, le désigne comme étant l’Origine unique de « toutes les choses de l’Univers » (Uchû ban’yû, 宇宙万有). Si pour les deux hommes, il existe de nombreuses divinités, ils les considèrent comme étant des émanations, des aspects, d’Ame-no-minaka-nushi – il est ainsi l’Un qui transcende et fonde la multiplicité, et particulièrement toute forme de dualité. « Onisaburô décrit Ame-no-minaka-nushi comme étant éternel (mushi-mushû, 無始無終), absolument infini (mugen zettai, 無限絶対), absolument Un (zettai ichigen, 絶対一元). Il représente aussi bien l’existence absolue que le néant (kyomu, 虚無) de l’origine unique. Étant absolument Un, il n’a pas de propriétés physiques : il est situé partout – ou nulle part –, n’a pas de grandeur, car s’il avait des limites, il ne serait pas Un. » (Transe et gouvernement de soi et du monde, Éditions du Cénacle, p. 57) Échappant par nature aux limitations de l’espace et du temps, il constitue une forme de lien (en deçà du lien causal) reliant immédiatement les couples d’opposés, comme l’âme corporelle et l’âme spirituelle, ou encore les deux individus qui se font face lors de l’affrontement martial. C’est pourquoi, pour le fondateur de l’aïkido, il faut tourner le regard vers Ame-no-minaka-nushi afin de s’unir avec lui (kishin).

 
« L’aikidô, c’est le moment où l’on se tient debout sur le Pont Flottant du Ciel, c’est le fait de devenir Ame-no-minaka-nushi-no-kami. »
「合気道は、自分が天之浮橋に立つ折は、
天之御中主神になることである。」 
Ueshiba Morihei, Takemusu Aiki 『武産合気』, p. 163.
 
Ame-no-minaka-nushi chez Deguchi Onisaburô
« Pour Onisaburô, Ame-no-minaka-nushi représente la divinité primordiale, le véritable dieu unique (dokuisshinshin, 独一真神) à l’origine de l’Univers. Il le nomme aussi empereur céleste (tentei, 天帝), maître du ciel (tenshu, 天主), grand empereur (jôtei, 上帝) (noms qui proviennent du chinois), véritable dieu (shinshin, 真神), grand esprit (daiseishin, 大精神) ou encore grand esprit originel de l’Univers (Uchû no daigenrei, 宇宙の大元霊), etc. Dans l’Ômoto-shinyû, il est également appelé Ame-no-gosenso-sama 天之御先祖様, le vénérable ancêtre du Ciel, appellation toujours utilisée aujourd’hui à l’Ômoto-kyô. La nature qu’Onisaburô donne à Ame-no-minaka-nushi lui vient en grande partie de Honda. Cela n’est pas étonnant, puisque, comme nous l’avons vu, il a été l’un des proches disciples de Nagasawa, lui-même ayant repris le système de Honda. Dans son Kenkyû 『研究』 (Recherches), Honda définit Ame-no-minaka-nushi comme suit : « Jôtei [= Le
Photo article
Représentation du dieu Su [Sushin, 主神], autre nom d'Ame-no-minaka-nushi, sous la forme du kototama SU [ス], par O Sensei.
grand empereur], c’est l’esprit divin du grand Univers, c’est-à-dire Ame-no-minaka-nushi […] ». Staemmler précise qu’il se réfère également à lui comme étant le « véritable dieu » (shinjin, 真神), le « seigneur céleste » (tenshu, 天主) ou encore le « grand esprit » (daiseishin, 大精神) et qu’il représente « l’être suprême qui a créé le Ciel et la Terre [= l’Univers]. » »
pp. 54-55.
 
Pour aller plus loin
 
Joffrey Chassat, Kojiki - Mythes choisis, 2016
Publication
Ce volume présente en version bilingue – avec lexique complet et notes linguistiques – une sélection de huit épisodes du Kojiki, cosmogonie japonaise. Cette chronique, la plus ancienne du pays du Soleil-Levant, est révélatrice de la culture japonaise en ce qu'elle permet de comprendre des croyances et des pratiques rituelles encore actuelles. Les arts japonais, comme les mangas ou encore les arts martiaux se réfèrent au Kojiki, et tout particulièrement Ueshiba Morihei qui explique toute sa pratique à partir de ces mythes fondateurs. Une lecture indispensable donc pour saisir les explications du fondateur. De plus, cette version bilingue permettra aux pratiquants d’aikido de se familiariser avec le vocabulaire de O Sensei.
Deguchi Onisaburô (1871-1948)
Deguchi Onisaburô, auteur prolifique, calligraphe, peintre, sculpteur, poète, potier de renom, était le chef de file d'une importante communauté religieuse pendant la première moitié du XXe siècle : l'Ômoto-kyô. Il fut l'un des maîtres spirituels de Maître Ueshiba. Les deux hommes se rencontrent en 1919 et Ueshiba Morihei déménage aussitôt à Ayabe, siège de l'Ômoto-kyô, l'année suivante. Plusieurs années plus tard, en 1932, ils fondent ensemble l' « Association pour le budô authentique » avec Deguchi comme président.
Personnage
Newsletter d'information sur le vocabulaire de Ueshiba Morihei
par Joffrey Chassat et Bruno Traversi
(laboratoire TEC du STAPS Université Paris V Sorbonne)
contact : bruno.traversi@yahoo.fr

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